Alors que l'environnement est plus que jamais une préoccupation majeure pour bon nombre de citoyens et d'entreprises, nous sommes en parallèle de plus en plus nombreux à communiquer sur les pratiques vertueuses que nous adoptons pour deux raisons aisément identifiables : encourager un virage sociétal urgent et nécessaire et/ou promouvoir l'image de marque de notre activité professionnelle.
Afficher fièrement la prise en compte des impacts environnementaux liés à son activité professionnelle constitue en effet une plus-value importante aux yeux des consommateurs. Se transformer est contraignant ; s'y résoudre pour des motifs non économiques est révélateur de sa capacité à prendre ses responsabilités et à faire preuve d'altruisme ; il n'y a aucun mal à retirer des bénéfices d'efforts fournis sur la base du volontariat. S'agissant de l'avenir à moyen et long terme de notre civilisation, toutes problématiques soulevées, toutes solutions apportées, contribuent par ailleurs à nous interpeller et à nourrir notre questionnement.
Pour autant, il est intolérable qu'on puisse manipuler les convictions des gens et réaliser du profit sur des valeurs qui sont fausses. Cette pratique trompeuse que l'on nomme le greenwashing est d'autant plus préjudiciable que la cible visée, alors en pleine remise en question, cherche avant tout à faire les bons choix pour elle-même et pour les autres.
Ma profession n'y échappe pas.
Vous avez décidé de vous faire accompagner par un spécialiste dans le cadre de la création de votre site web écoresponsable ?
Votre élan ne devrait pas être freiné par des opportunistes.
En tant que développeur web engagé dans la lutte contre la pollution numérique, j'aimerais vous donner quelques clefs techniques, mais accessibles, qui peuvent vous épargner cet écueil. Dans cet article, vous apprendrez à identifier qui parmi les prestataires que vous avez sélectionnés est un imposteur.
Notre cible dans le cadre cet anti greenwashing numérique
Le profil visé par cet audit est le suivant : toute entité professionnelle ayant fait de l'écoconception ou du site web écoresponsable son produit.
Il peut s'agir de développeurs à leur compte (c'est mon cas), d'agences web, et ils ont cela de commun qu'ils promeuvent la conception numérique responsable comme impérative.
Pourquoi ceux-là ?
En tant que spécialistes, nous sommes les premiers concernés par la pollution numérique relative à l'exploitation d'un site web. S'agissant d'un sujet technique dont nous sommes seuls garants du résultat, nos clients placent en nous une confiance plus grande qu'avec un prestataire traditionnel.
Certains, persuadés que la naïveté du consommateur suffira à compenser leur propre ignorance ou leur mépris pour la question, feignent d'ores et déjà leur sensibilité environnementale dans un but purement commercial.
Une augmentation significative de ces greenwashers est à redouter dans les années à venir.
Pourquoi pas les acteurs du Numérique Responsable au sens plus large ?
Le Numérique Responsable englobe aujourd'hui de nombreuses thématiques matérielles, logicielles et décisionnelles. L'impact environnemental du site web est un axe parmi d'autres et reste difficile à appréhender par les non-techniciens.
La méconnaissance n'est pas un aveu de culpabilité.
Vous ne devriez pas évaluer l'honnêteté d'un profil ni même d'une marque ou d'une entreprise qui se prétend écoresponsable sur sa seule vitrine en ligne.
Les prérequis pour partir en chasse
Outils nécessaires
Dans 9 cas sur 10, vous disposez déjà des seuls outils dont nous ayons besoin : un ordinateur quelconque et un navigateur web récent.
Je vous propose d'utiliser Firefox, l'alternative libre la plus aboutie (une des dernières) que je soutiens. La plupart des autres navigateurs web, tels qu'Opéra, Edge ou Brave, dérive de Chrome : vous devriez pouvoir obtenir des résultats similaires avec.
Connaissances utiles
Nul besoin d'être un développeur pour poursuivre la lecture de cet article, j'essaierai d'être aussi clair que possible dans mes explications. Dans la mesure du possible, vous devriez avoir pris connaissance de l'article "Qu'est-ce qu'un site web écoresponsable ?", qui introduit en douceur le travail que nous allons en partie contrôler.
Identifier le greenwashing numérique
Puisque je suis concerné par cette étude, commençons ici même !
Appuyez sur la touche F12 pour ouvrir l'outil de développement du navigateur.

Cet outil proposé par nos navigateurs web se veut très complet et donne à qui sait les interpréter de précieux indicateurs.
Attardons-nous sans plus tarder sur le plus important.
1. Mesurer les données transférées
Il n'existe pas de consensus clair sur le poids idéal d'une page web. Toutes n'ont pas la même utilité, des disparités sont inévitables ; voilà pourquoi le contexte est important dans cette analyse.
Pour rappel, nous nous intéressons exclusivement aux vitrines de professionnels du Web spécialistes du site web écoresponsable ou de l'écoconception. À offre et objectif égaux, leur travail devient comparable.
- Rendez-vous dans l'onglet Réseau accessible depuis la partie supérieure du panneau.
- Cochez l'option Désactiver le cache.
- Rechargez la page avec F5 après vous être assuré que Tout était sélectionné dans les filtres.
Vous obtenez la liste des ressources qui constituent la page web.
Plutôt que d'examiner une par une ces dernières, je vous invite à vous intéresser au pied du panneau. À côté du nombre de requêtes (dont on entend souvent parler, mais qui ne saurait être interprété sans connaissances approfondies) figure un couple de valeurs de type 100 ko / 90 ko transférés.
La première représente le poids total de la page, la seconde, le poids effectivement transféré par le réseau. Ce sont des indicateurs d'une grande fiabilité pour notre chasse au greenwashing numérique.
Selon cet état du Web publié par HTTP Archive (en), le poids moyen d'une page à la mi-2020 était de l'ordre de 2 Mo. Tous les professionnels de la Conception Numérique Responsable s'entendent à dire que c'est trop.
Voici les conclusions à tirer de cette première mesure :
- Une valeur de poids de page supérieure à 2 Mo sur le site vitrine de notre cible est une preuve formelle de greenwashing.
- Entre 1 et 2 Mo, il est légitime de s'interroger sur le sérieux du prestataire et sur sa capacité à produire un site web écoresponsable.
- Inférieur à 1 Mo, c'est plutôt bon signe, mais ne baissez pas votre garde pour autant.
Vous aurez noté que les pages d'Awebsome.fr se situent bien en dessous de ces valeurs de référence. En l'absence de consensus fort, je laisse une marge confortable entre mon propre travail et celui des autres pour ne pas être taxé d'élitiste.
2. Lister les dépendances de styles
Les styles, ce sont les règles de mises en forme qui s'appliquent à notre page web. Ces règles, observables en cliquant sur l'onglet Éditeur de styles, dictent à notre page comment comment rendre les éléments de la structure décrite en HTML et visible dans l'onglet Inspecteur.
L'écriture de ces règles est très souvent sous-traitée dans un souci de productivité. Pour parvenir à un résultat donné, différentes bibliothèques sont importées. Cette pratique, certes confortable pour le prestataire, démultiplie la présence de code chargé, mais non utilisé. Nous, créateurs de sites web écoresponsables, sommes engagés en faveur de la sobriété fonctionnelle. Nous défendons l'autonomie.
Revenons à l'onglet Réseau, où toutes les ressources de la page web sont listées. En cliquant sur CSS dans les filtres, l'outil réduit l'affichage à la seule présentation des feuilles de styles (.css). Le poids et les données transférées sont eux aussi actualisés pour évaluer ce seul type de fichier.
Une feuille de styles, même complexe, reste légère et compressible. Aussi :
- Un poids total de fichiers CSS supérieur à 50 Ko, de même qu'un nombre de requêtes supérieur à 10 feuilles de style, dévoile que le prestataire fait appel à des dépendances dans la mise en forme de son site, ce qui discrédite fortement son engagement.
Une évaluation similaire peut porter sur les scripts JavaScript en filtrant les ressources affichées avec JS (n'oubliez pas de désélectionner le filtre CSS, pour éviter un cumul des deux filtres. Un poids et un nombre élevé de requêtes seront ici très révélateurs de consommation des dépendances.
3. Vérifier la mise en cache côté client
Attention : assurez-vous de ne pas avoir désactivé la mise en cache de votre navigateur web depuis ses paramètres avant de procéder à l'analyse suivante.
Vous vous rappelez l'option Désactiver le cache de l'onglet Réseau de notre panneau ?
Décochez-la, veillez à Tout réafficher parmi les filtres puis actualisez la page à nouveau.
Observez maintenant nos précédents indicateurs (poids de page et données transférées) : vous devriez y lire une différence significative entre le premier audit et celui-ci, avec des valeurs revues à la baisse.
(N'hésitez pas à réactualiser plusieurs fois la page en cochant/décochant l'option pour bien visualiser la différence entre les deux états)
Que s'est-il passé ?
Plutôt que d'aller redemander au serveur les ressources de la page web, le navigateur s'est interposé pour les resservir depuis sur votre ordinateur, à ma demande.
C'est la mise en cache côté client.
Cette méthode de redistribution de contenu est fondamentale en cela qu'elle permet de réutiliser du contenu déterminé comme stable (qui change peu) en votre possession au lieu d'aller le rechercher à la source, ce qui est coûteux en énergie et en temps.
L'échec de cette vérification est éliminatoire :
- Si les valeurs sont inchangées ou très similaires entre la première et la seconde mesure, le prestataire n'utilise aucune politique de mise en cache alors que la base de notre métier consiste à limiter au possible le transfert inutile de données. Doutez de sa bonne foi...
...Sauf s'il s'agit d'un cas exceptionnel, à savoir que le site est d'une sobriété extrême et qu'il n'y a rien à rien à mettre en cache (faites-moi signe si vous en trouvez un).
4. Écoutez votre cœur (enfin, celui de votre ordinateur)
Votre équipement est parfois amené à réagir lors de votre navigation en ligne. Un processeur qui s'emballe, une augmentation significative de la température, un ventilateur qui se met à tourner plus vite ; ces signes ne trompent pas, c'est que quelque chose en demande soudain beaucoup plus à votre ordinateur.
Ces signes peuvent vous alerter. Tout dépend bien sûr de la puissance de votre ordinateur, du contexte, mais d'une manière générale, si tout à coup les compteurs s'affolent alors que vous n'avez qu'un seul onglet ouvert et n'utilisez aucun autre programme que votre navigateur web, la page que vous visitez peut être incriminée pour diverses raisons (scripts nombreux, calculs complexes côté client, animations gourmandes, médias non compressés...).
À moins d'être un SaaS (Software as a Service), une application en ligne utilisable depuis votre navigateur web, une simple page destinée à vous informer ne devrait pas être aussi consommatrice d'énergie.
Le cas échéant, méfiez-vous.
Note : l'outil de développement pouvant se révéler particulièrement gourmand, il est impératif de fermer ce dernier pour une analyse fiable de ce type. De même, ne vous arrêtez pas à une seule évaluation : il y peut y avoir tout un tas de raisons autres pour lesquelles votre ordinateur travaille davantage à un instant T. Si cela se produit, fermez tous vos programmes, attendez son retour au calme, puis visitez d'autres pages avant de revenir à celle du prestataire pour vérifier vos soupçons.
5. Réitérer l'analyse sur plusieurs pages
Si le prestataire dont vous êtes en train de vérifier la franchise propose plusieurs pages sur son site vitrine, prenez le temps de réitérer les mesures que nous avons vues sur plusieurs d'entre elles pour dégager une tendance, notamment si les premiers résultats étaient positifs. S'il échoue dans la constance, peut-être faut-il remettre en cause sa crédibilité. Restez toutefois bienveillant : un écart peut parfois être justifié.
En conclusion
Félicitations : vous êtes désormais armé pour débusquer les plus grossières tentatives de greenwashing en matière de création Web. Nous nous sommes ici limités à des analyses dont l'interprétation des résultats était facile et recevable. D'autres peuvent être menées ; libre à vous de vous documenter de votre côté pour approfondir vos méthodes d'évaluation.
Pour choisir le bon prestataire parmi ceux qui auront passé haut la main les premières épreuves, quelques conseils : prenez le temps de dialoguer avec ces derniers, vérifiez les propos qui vous font tiquer et tentez d'obtenir des retours clients autres que ceux qui vous sont servis sur un plateau. C'est le meilleur moyen de trouver un prestataire aussi engagé que vous l'êtes.
Pourquoi ne pas vous entraîner avec moi ?